Ce qui est vraiment insupportable pour Israël, c’est que ce rejet vienne d’un scientifique célèbre, alors que c’est la science qui détermine son économie, son prestige et sa force militaire.
La décision de Stephen Hawking de boycotter la conférence du président israélien est devenue virale. Au dernier décompte, il y a plus de 100 000 partages sur Facebook du rapport du Guardian. Quoi qu’il en soit des réactions qui ont suivi, la lettre de Hawking est sans équivoque. Son refus est motivé par la requête des universitaires palestiniens.
En témoigne la rapidité avec laquelle le lobby pro-israélien s’est emparé de l’affirmation initiale et inexacte de l’université de Cambridge selon laquelle il s’était retiré pour des raisons de santé, et l’embarras du lobby lorsque l’université a piteusement corrigé son communiqué après quelques heures. Hawking a également précisé que s’il s’était rendu à la conférence, il aurait profité de l’occasion pour critiquer la politique israélienne à l’égard des Palestiniens.
Alors que les journalistes le présentent comme une “figure emblématique du boycott universitaire” et partisan du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), Ha’aretz, le journal le moins réactionnaire de la presse israélienne, a attiré l’attention sur le langage incendiaire utilisé par les organisateurs de la conférence, qui se sont dits “outragés” plutôt que “regrettant” la décision de Hawking.
Que le scientifique le plus célèbre au monde ait reconnu la justice de la cause palestinienne est potentiellement un tournant pour la campagne BDS. Et que sa position ait été approuvée par une majorité de deux contre un dans le sondage du Guardian qui a suivi son annonce, montre à quel point l’opinion publique s’est retournée contre le vol des terres et l’oppression ininterrompue [des Palestiniens] par Israël.
Le refus public de Hawking est dans la foulée de celui de chanteurs, d’artistes et d’écrivains éminents, de Brian Eno à Mike Leigh, Alice Walker et Adrienne Rich, qui ont tous publiquement rejeté les invitations à se produire en Israël. Mais ce qui dérange profondément Israël, c’est le fait que ce rejet vienne d’un scientifique célèbre et que la science et la technologie sont le moteur de son économie. La décision de Hawking menace d’ouvrir une brèche, avec de plus en plus de scientifiques qui considèrent Israël comme un État paria. Ce dernier a le souci de préserver ses liens en recherche avec des scientifiques européens et américains.
Qu’Israël, pays du Moyen-Orient, ait réussi à obtenir l’adhésion à l’Espace européen de la recherche et de nombreux accords de collaboration avec des laboratoires européens souligne l’importance de ces liens. Lorsque les parlementaires européens ont contesté l’adhésion d’Israël sur la base de ses nombreuses violations des résolutions de l’ONU et des conventions européennes des droits de l’homme, la Commission européenne a répondu que la recherche l’emportait sur les droits de l’homme.
La science et la technologie israéliennes ne sont pas seulement une source de prestige et d’innovation technologique, mais elles renforcent la puissance militaire d’Israël. C’est un ingénieur israélien qui a développé les drones que les États-Unis emploient maintenant en larges quantités. Les armes chimiques israéliennes fabriquées à domicile correspondent au minimum à celles [dont disposait] la Syrie, et les universités israéliennes fournissent amplement aux forces de défense israéliennes les méthodes sociologiques, psychologiques et technologiques qu’elles utilisent pour réprimer les manifestations palestiniennes contre l’occupation.
La complicité des universités israéliennes dans la politique d’Israël est indiscutable. Cependant, c’est la première fois qu’un scientifique de la stature de Hawking prend aussi publiquement position – et la réponse hystérique des organisateurs de la conférence de Jérusalem – il est à noter que l’université hébraïque de Jérusalem, où se tenait la conférence à laquelle Hawking a refusé d’assister, est construite sur des terres palestiniennes annexées illégalement – n’a fait qu’ajouter à son impact public.
Enfin, ce sont les débats très ouverts sur les droits et les torts d’un boycott universitaire qui ont attiré l’attention sur l’asservissement des universités israéliennes à la politique de l’État sioniste. Jusqu’à ce que la campagne pour le boycott débute, les critiques internes étaient rares et certains parmi les plus radicaux tels qu’Ilan Pappé, ont été expulsés. Cependant, cette asservissement commence à reculer. Lorsque le ministre israélien de l’Éducation a tenté en 2012 de fermer le département politique de l’université Ben Gurion pour des “raisons académiques”, cela a immédiatement été considéré comme une attaque politique contre l’un des très rares départements où les universitaires étaient disposés à désigner Israël comme un État d’apartheid. Le Professeur Gilad Haran de l’Institut Weizmann a lancé une pétition affirmant “Nous sentons que la liberté académique dans le système d’enseignement supérieur d’Israël est en grave danger.” Le département est resté ouvert, ce qui est une petite victoire.
* Hilary Rose est sociologue féministe des sciences et professeur émérite à l’Université de Bradford. Steven Rose est professeur émérite de neuroscience à l’Open University. Ils ont récemment co-écrit Genes, Cells and Brains: the Promethean promises of the new biology, et ont été parmi les co-fondateurs du BRICUP, le Comité Britannique de soutien aux Universités de Palestine.
13 mai 2013 – The Guardian – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah